Notre histoire
À l'origine de Mandragore
En 1981, sous l'impulsion de François Avril, alors conservateur au département des Manuscrits, la Bibliothèque Nationale forme, en collaboration avec le CNRS, une unité mixte de recherche, le Centre de recherche sur les manuscrits enluminés (CRME). Hébergé à Richelieu, au plus près des collections, il se donne pour objectif la description systématique des manuscrits enluminés de la BnF. Des catalogues imprimés sont consacrés à différentes aires culturelles : manuscrits italiens (vol. 1 en 1980, vol. 2 en 1984, vol. 3 en 2005 et 2012), de la péninsule ibérique (1982), d'origine insulaire (1987), germaniques (vol. 1 en 1995, vol. 2 en 2020), des anciens Pays-Bas méridionaux (2009)…
Alors que commence à se poser la question de l'informatisation des catalogues de bibliothèques, le CRME met en place, en 1989, la base Mandragore. Accessible en interne, sur requête écrite des chercheurs, Mandragore permet d'archiver l'indexation des manuscrits non retenus pour les catalogues papier. Grâce à l'investissement de Jean-Pierre Aniel, qui pilote son développement de 1987 à 2015, elle devient rapidement autonome des publications imprimées et passe de quelques manuscrits décrits à plus de 1000 en 1992, 3000 en 2003, 6700 en 2022.
Dès l'origine, Mandragore s'est intéressée à toutes les époques et aires culturelles. Et si elle a été conçue pour décrire des manuscrits enluminés, elle s'est peu à peu ouverte à d'autres supports, comme les reliures et les sceaux. La base donne une description succincte de chaque manuscrit ou objet traité (cote, textes enluminés, artistes, date et lieu de décor) et identifie le sujet (alors appelé « légende ») de leurs enluminures ou parties de décor. Des mots-clés (« descripteurs ») y sont associés de manière à indexer tous les éléments, toutes les personnes et tous les lieux identifiables. Le vocabulaire iconographique s'inspire du Thésaurus iconographique de François Garnier, mais le dépasse très rapidement.
Pour en savoir plus : Jean-Pierre Aniel, « MANDRAGORE . Une base de données iconographiques sur les manuscrits de la Bibliothèque nationale de Paris », dans Le médiéviste et l'ordinateur, n°26-27, 1992-1993, p. 18-20 (lire en ligne).
La révolution des images
Dès 1987, la promesse de pouvoir associer une reproduction photographique à chaque enluminure a contribué au choix de l'outil informatique pour Mandragore, mais ce n'est qu'en 2001 que les progrès techniques ont permis cette révolution. À l'occasion d'un changement de logiciel, Mandragore est enrichie de quelques champs supplémentaires (transcription des inscriptions lisibles dans les enluminures, des rubriques du texte illustré), mais surtout d'un module de numérisation.
Alors que Gallica ne décrit encore que les imprimés littéraires, un plan de numérisation « intensif » est mis en place à destination de Mandragore : la photographie de 10 000 enluminures est programmée en 2003 ! Mandragore profite également des clichés du « service photo » (dont les numérisations formeront plus tard la banque d'images) et, à partir de 2007, des numérisations intégrales réalisées pour « Gallica 2 ».
À la conquête du web
En 2003, près de 15 ans après sa création, Mandragore gagne le World Wide Web, alors en plein essor, en 2003. Une première interface publique est mise en ligne à l'occasion du Salon du livre de Paris. C'est le premier outil numérique en libre accès consacré à la description des manuscrits en France, avec l'ambition de refléter « le plus riche musée de peinture médiévale au monde ». Il permet la recherche « en mode expert », appuyée par l'usage d'index détaillés, ainsi que la visualisation des reproductions photographiques disponibles. Dès son lancement, Mandragore reçoit plusieurs milliers de visites chaque mois.
Le thésaurus iconographique, initialement intégré à BN-Opaline, le catalogue informatisé des collections spécialisées de la BnF, est également accessible depuis le site Mandragore sous forme d'un classement thématique hiérarchisé associé à des notices de descripteurs. Au cours des années suivantes, un important travail de traduction permettra de rendre ce vocabulaire multilingue, interrogeable en français, anglais, allemand, italien et espagnol, attirant une audience internationale. En 2006-2007, le projet de recherche STITCH expérimente les nouvelles technologies du « web sémantique » pour rendre interopérable ce thésaurus avec celui utilisé par la Bibliothèque royale des Pays-Bas, ICONCLASS.
En 2016-2017, sous le hashtag #MardiMandragore, les enluminures de Mandragore apparaissent sur les réseaux sociaux.
2007-2022 : la longue refonte
Un écosystème d'applications BnF
Avec la mise en ligne du catalogue BnF Archives et Manuscrits, en 2007, puis la numérisation courante de manuscrits entiers (et non plus des seules enluminures) pour la bibliothèque numérique Gallica, Mandragore se trouve peu à peu isolée dans l'écosystème numérique de la BnF. Dès 2009, l'idée d'une refonte est avancée. Son instruction commence en 2013, mais il faudra attendre 2022 pour qu'un nouveau site web voie le jour, remplaçant une application historique à l'obsolescence devenue manifeste.
Bibliotheca bibliothecarum novissima
Entre 2012 et 2021, la BnF s'associe à huit autres institutions françaises pour fonder l'équipement d'excellence Biblissima, porté par le Grand Établissement Documentaire du Campus Condorcet et financé par l'Agence Nationale de la Recherche au titre des « Investissements d'avenir » (ANR-11EQPX-0007). L'objectif principal de Biblissima est de rassembler en un seul portail toute la documentation et les bases de données consacrées aux manuscrits médiévaux et imprimés anciens. La première étape vise l'interopérabilité des bases d'enluminures Mandragore (BnF) et Initiale (Institut de Recherche en Histoire des Textes). Un prototype voit le jour en 2015, et Mandragore intègre le portail définitif en 2018.
Ces travaux conduisent à l'amélioration significative des référentiels d'autorités et à la création de pivots de données qui sont directement réutilisés dans la version 2022 de Mandragore. Ils permettent aussi l'expérimentation de nouvelles technologies, telles que la visualisation avancée des images à l'aide du protocole IIIF (International Image Interoperability Framework), l'exploration cartographique ou la mise en relation des données à partir des descripteurs iconographiques. En revanche, Biblissima délaisse la recherche avancée, peu pertinente dans un portail rassemblant plusieurs bases, et reste dépendante de l'enrichissement des données de Mandragore dans les interfaces de la BnF.
Nouvelles applications, mêmes données
Après plusieurs années d'instruction, les travaux informatiques pour la refonte de Mandragore sont lancés en 2020. Avant même d'envisager un nouveau site public, il s'agit de moderniser les outils internes de production de données et l'organisation-même de ces données, afin de pouvoir porter de nouveaux services.
La décision est prise d'utiliser le format XML/EAD, servant déjà de socle à la description des manuscrits dans BnF Archives et Manuscrits. Au printemps 2021, une nouvelle version de PIXML, l'application de production des instruments de recherches en XML de la BnF, prend en charge un module Mandragore. Reste à migrer les anciennes données dans ce nouveau système, ce qui prendra plus d'un an. Cette migration permet plusieurs améliorations — rationalisation de la notion d'unité de création, création de liens sémantiques entre descripteurs, prise en charge des espaces et caractères accentués… — mais certains enrichissements ne sont qu'ébauchés : le nouveau modèle de données permet, par exemple, de localiser les mots-clés sur la reproduction de l'enluminure (et l'enluminure sur la reproduction de la page), mais ce travail rétrospectif titanesque continuera certainement pendant encore plusieurs années après la mise en ligne du site.
Enfin, en 2022, le développement du nouveau site Internet est lancé, avec l'appui d'une prestation de graphisme. Une première version voit le jour en septembre 2022. S'il a fallu, pour des raisons de temps et de budget, reporter un certain nombre de fonctionnalités à une prochaine version, la présentation au public du résultat de presque dix ans de travaux constitue, pour tous ceux qui y ont été impliqués, une intense satisfaction.
Et demain ?
Donnez votre avis !
La bascule du site historique de Mandragore (conçu en 2003) vers sa nouvelle version de 2022 renouvelle l'expérience utilisateur. Étant donné l'ampleur des changements, une enquête de public s'impose avant de poursuivre la mise en œuvre de nouvelles fonctionnalités. N'hésitez pas à nous contacter pour donner votre avis sur le nouveau site, et à exprimer vos difficultés, besoins, regrets, mais aussi satisfactions !
Les prochaines mises à jour
Parmi les fonctionnalités envisagées pour les prochaines mises à jour de Mandragore, signalons notamment :
- la généralisation des identifiants pérennes ark pour les unités de création et les mots-clés
- la visualisation des résultats sous forme d'un mur d'images
- l'export manuel ou automatique des données dans des formats standardisés (EAD, SKOS…)
- l'amélioration des liens depuis et vers les autres applications de la BnF : Gallica, BnF Archives et Manuscrits, BnF banque d'images, data.bnf.fr, l'espace personnel BnF, le service de reproduction à la demande…
- la prise en charge complète du multilinguisme
- l'amélioration de l'exploration par sujet (en regroupant ceux-ci par catégorie) et l'introduction d'un mode d'exploration cartographique par lieu de décor
- etc.
Mandragore et Icono15
Quelques années après la création de la première base Mandragore, en 1989, le modèle était repris par la Réserve des Livres Rares de la BnF pour la description iconographique des bois gravés des incunables français. Cependant, contrairement à Mandragore, la base ainsi constituée, Icono15 (parfois appelée Dragonneau), n'a jamais fait l'objet d'une interface de consultation publique.
La relative proximité technique des deux outils et le grand intérêt scientifique que constituerait la mise en relation de ces deux bases ont amené à envisager leur interrogation conjointe sur le nouveau site web conçu pour Mandragore. Cette intégration, qui garde son actualité, nécessite cependant une évolution technique significative de l'outil interne utilisé par Icono15 et une révision conséquente des données pour les rendre interopérables. Des travaux préparatoires en ce sens ont déjà commencé, pour une mise en ligne espérée en 2023 ou 2024.